La truffe… quand le champignon devient un diamant

Pays Gourmand

C’est l’histoire d’un mystérieux champignon devenu, aujourd’hui, un met d’exception. De la Haute-Provence au Verdon, on cultive le mystère d’un aliment à la fois délicat et précieux, qui n’apparaît que du 15 novembre au 15 mars. On le trouve alors sur les étals de nos marchés ou à la Maison de produits de Pays des Gorges du Verdon, à Castellane. « Verdon Roses et Arômes », cultivateur et cueilleur en agriculture biologique installé à La Palud-sur-Verdon fait également de la vente directe en saison. Certaines années, quand la récolte a été suffisante, « Verdon Roses et Arômes » commercialise également des truffes en bocaux, disponibles sur la boutique en ligne de la ferme, ou dans le magasin de producteurs de La Palud-sur-Verdon (Le panier du Verdon).

« Mange beaucoup de truffes cuites sous la cendre, et bien imprégnées de sauce ; rien de meilleur pour les ébats amoureux ». La citation est extraite du « Banquet des sophistes », écrit au 3e siècle par Athénée de Naucratis. Déjà, à cette époque, la truffe renfermait une part de mystère. Mais il a fallu attendre le milieu du 19e siècle pour que la truffe acquière ses lettres de noblesse, grâce à un certain « Martin Ravel ». Ce Bas-Alpin, particulièrement érudit, a beaucoup travaillé sur les différentes méthodes de conservation des légumes. Deux ouvrages, qu’il a lui-même écrits, retracent ses expérimentations sur la truffe avec, à la clé, « la possibilité de mettre fin aux famines ». Conscient que la saisonnalité du produit constituait un frein à son exploitation à grande échelle, il a utilisé la méthode de l’appertisation, inventée par Nicolas Appert en 1795. Les truffes étaient alors conservées dans des bouteilles spécifiques (issues de la verrerie de Trinquetaille, à Arles), au large goulot, cachetées à la cire. A la fin du 19e siècle, la boite en fer blanc a d’ailleurs remplacé le verre et c’est ainsi que les premières conserves sont nées.

Les truffes étaient soudainement devenues un produit qui se conservait et, donc, qui pouvait voyager. Martin Ravel en aurait d’ailleurs vendu à la couronne d’Angleterre et exportées en Égypte, pendant les travaux de construction du Canal de Suez. Certaines seraient également parties dans le Périgord… Martin Ravel serait à l’origine du tout premier marché aux truffes, né en 1841 à Montagnac-Montpezat, village situé sur la partie basse du Verdon. En 1856, il a déposé et obtenu le brevet d’invention de la trufficulture.

Durant toute la moitié du 19e siècle, la production de truffes était telle que l’on n’hésitait pas à donner les moins belles à manger aux cochons. Entre légendes et anecdotes, les récits parlent d’un champignon que l’on mettait partout… et dans quasiment tous les plats ! C’est d’ailleurs de là que viendrait l’expression « truffé de » pour signifier « rempli de » … Entre fierté locale et mémoires familiales, chacun tend d’ailleurs à s’approprier un brevet d’invention, un démarrage d’exploitation ou encore une méthode de conservation.

De la Provence à l’Espagne, en passant par le Périgord

Même s’il est assez difficile de connaître les quantités exactes produites chaque année, le volume a considérablement baissé depuis la moitié du 20e siècle. Beaucoup de chênes ont été coupés et remplacés par des cultures qui, grâce à la mécanisation, sont devenues plus régulières et donc plus rentables. Tous les trufficulteurs s’accordent également sur le fait que le réchauffement climatique joue beaucoup sur la raréfaction des truffes qui ont impérativement besoin d’eau, notamment en été, pour arriver à maturité.

Aujourd’hui, trois pays produisent 90% des truffes noires au niveau mondial : la France, l’Italie et l’Espagne. La France subit désormais une très forte concurrence espagnole avec des volumes qui ne cessent d’augmenter. Des milliers de chênes truffiers mycorhizés ont en effet été plantés depuis une vingtaine d’années sur plus de 6500 hectares. On estime que l’Espagne produit aujourd’hui près de 50 tonnes de truffes par an, alors que les 20 000 trufficulteurs français en ramassent, suivant les années, entre 30 et 40 tonnes. Quasiment toute la production espagnole part à l’exportation puisque la truffe est très peu utilisée dans la cuisine ibérique !

Pour rappel, les Alpes-de-Haute-Provence produisaient 300 tonnes par an à la fin du 19e siècle !

A noter enfin que l’on trouve également des truffes en Chine, mais elles sont peu parfumées et vendues beaucoup moins cher…

On compte près de 80 espèces de truffes à travers le monde : une vingtaine pousse en France et une dizaine en Provence. Les trois plus connues sont, la tuber melanosporum, la tuber brumale et la truffe blanche d’été.

  • La « tuber melanosporum » est également appelée « mélano » ou « rabasse ». Certains la qualifient également de « truffe du Périgord » alors qu’elle est essentiellement récoltée en Provence. On estime que le Sud-Est de la France produit aujourd’hui les trois quarts de la production nationale de tuber melanosporum. C’est la plus célèbre de toutes les espèces récoltées en France : sa chair est noire, marbrée de nombreuses veines blanches très fines. Ses arômes sont puissants et intenses. Elles se récolte de mi-novembre à mi-mars.
  • La « tuber brumale » ou truffe brumale, et sa sous-espèce, la truffe musquée, arrivent en seconde position des truffes noires d’hiver. On la trouve essentiellement au Nord de la région PACA. Sa chair, qui varie entre le gris et le noir, est marbrée de blanc ; ses veines sont épaisses et peu nombreuses. Plus petite que la melanosporum, ses arômes musqués surprennent souvent.
  • La « tuber aestivum » ou truffe blanche est également appelée truffe de la Saint-Jean, « maïenque » ou encore « maïenco ». On la trouve quasiment partout en PACA et jusqu’à des altitudes relativement élevées (2000 mètres), comme dans le Verdon. Ses arômes légers et sensibles à la chaleur ont l’avantage de satisfaire un public estival friand de truffes fraîches. On peut la récolter du mois de mai jusqu’à la fin du mois d’août. Elle développe des arômes très fins mais extrêmement volatiles, ce qui explique qu’elle est le plus souvent consommée crue. Sa peau est noire et sa chair oscille entre le jaune et le brun clair, marbrée de blanc. Il ne faut pas la confondre avec la truffe blanche d’Italie (d’Alba et ses environs) qui, elle, se récolte à l’automne.

De la mouche au cochon…

Seul, il est quasiment impossible de parvenir à en trouver ! Tant qu’elle est en terre, l’odeur de la truffe n’est, en effet, repérable que par trois animaux : le cochon, le chien et la mouche.

– Le cochon est, historiquement, le tout premier animal utilisé. Réputé pour son odorat, il reste toutefois extrêmement compliqué, voire impossible, de le dresser. Gourmand, il cherche avant tout la truffe pour la consommer. Une fois la truffe repérée, il faut donc tâcher de le retenir et, si possible, détourner son attention grâce à une poignée de glands… Certains disent que c’est d’ailleurs de là que viendraient les expressions, « être pris pour un gland … ou pour une truffe ! ».

– Le chien est, aujourd’hui, l’animal le plus utilisé. Sa relation privilégiée avec son maître et son excellent odorat (il possède 200 millions de cellules olfactives … contre seulement 5 millions pour l’homme) en font le compagnon idéal. Si toutes les races conviennent, le chien doit être éduqué très tôt, dès les premières semaines après sa naissance, afin de l’habituer à l’odeur de la truffe, quitte à lui en faire déguster. Au bout de quelques mois, les premières recherches ressemblent à un jeu, que le chien doit aimer afin de rendre fier son maître. Plus tard, grâce à une meilleure endurance et à une plus grande faculté de concentration (mais également à quelques croquettes en guise de récompense), il pourra parcourir les truffières pendant plusieurs heures…

La mouche permet également de repérer les truffes enfouies dans le sol. A condition de savoir à quoi ressemble la « suilla gigantea » … Avec un corps allongé et jaune, son vol semble plus maladroit et incertain, elle est attirée par l’odeur de la truffe afin de pondre juste au-dessus, pour que les larves issues de ses œufs puissent ensuite se nourrir du précieux champignon.

L’évolution des prix

Entre les cours officiels, fixés par l’un des quatre marchés de gros régionaux, et les tarifs affichés en boutique, les écarts sont parfois énormes. Ce qui, finalement, incite beaucoup de clients à court-circuiter les intermédiaires pour essayer de traiter en direct avec les producteurs. Quitte à, parfois, prendre certains risques sur la qualité…

Il faut savoir que si la truffe se récolte du 15 novembre au 15 mars, ses qualités gustatives sont optimales entre le 15 janvier et le 15 février. Pour autant, les prix sont souvent au plus haut durant la deuxième quinzaine de décembre… juste avant les fêtes de Noël. On aboutit donc à une courbe croissante des prix qui, suivant les années, démarre entre 300 et 500 euros le kilos. Elle atteint son sommet à Noël. Il n’est alors pas rare de dépasser les 1500 euros le kilo. La courbe s’effondre ensuite durant le mois de janvier avant de remonter très légèrement, pour se stabiliser autour du 15 février ; de 600 à 800 euros suivant les années. Car le prix évolue évidemment en fonction de l’offre et de la demande, mais également en fonction des qualités gustatives qui, elles aussi, peuvent varier d’une année à l’autre.

Il faut également savoir que le prix officiel fixé par le marché de Carpentras inclut toutes les truffes, sans distinction de taille ou d’état. C’est ce qui explique que le prix est souvent plus élevé en boutiques puisqu’une sélection a été opérée afin de ne garder que les plus belles. Les truffes qui auraient été abimées au moment de la récolte, ou les brisures, sont le plus souvent incorporées dans d’autres préparations, comme les pâtés.

Savoir parler la truffe afin de ne pas passer pour une …

La mélano … c’est le surnom que l’on donne au diamant noir, la Tuber Melanosporum, que certains appellent, à tort, truffe noire du Périgord. Sa peau, particulièrement verruqueuse, est appelée péridium. Les organes reproducteurs de la truffe (qui servent de graines) sont les spores. On reconnait notamment la mélano grâce à sa marbrure, c’est-à-dire l’ensemble de ses veines, qui présentent un aspect marbré visible lors de la coupe. C’est d’ailleurs là que réside tout l’intérêt du canifage, pratiqué par des contrôleurs sur la plupart des grands marchés. Il consiste à inciser la truffe avec un couteau afin de s’assurer de sa qualité, tant au niveau de la marbrure que du parfum.

A la fin du printemps, on voit déjà apparaître des truffettes dans le sol : il s’agit de jeunes truffes, pesant moins d’un gramme. Le trufficulteur, c’est-à-dire celui qui cultive la truffe, sait qu’il y a encore bien des étapes à franchir avant pouvoir récolter le précieux champignon. C’est pourquoi, il possède souvent plusieurs truffières : des plantations d’arbres truffiers (le plus souvent des chênes) dans lesquelles on voit apparaître, au bout de quelques années, certains premiers signes favorables… C’est notamment le cas du brûlé, cette zone sans herbe située autour de l’arbre. Elle est due à l’activité herbicide du champignon. Un brûlé est seulement un indicateur et il arrive parfois qu’il n’y ait aucune truffe à cet endroit ; on parle alors de brûlé stérile.

Le cavage est l’opération qui consiste à chercher et trouver des truffes. Le mot vient du latin « cavus » qui signifie creux et, en italien, « cavare » signifiait autrefois « creuser ». Par extension, le caveur est celui qui pratique le cavage : c’est-à-dire, celui qui cherche puis qui creuse le sol. Dans certaines régions le pic à truffes, qui sert précisément à creuser, est appelé cavadou.

Savoir apprécier la truffe … et la conserver

Il est toujours conseillé de consommer la truffe fraîche, quelques jours seulement après qu’elles aient été cavées. Elle se prépare sans être épluchée, aussi bien crue que cuite ; même s’il ne faut jamais oublier que seule Mélano supporte assez bien la cuisson. Certaines variétés, estivales notamment, peuvent en revanche perdre tous leurs arômes si elles dépassent les 70 degrés. A l’inverse, il faut savoir que les corps gras (crème, beurre, jaune d’œuf…) ont la caractéristique de retenir et préserver les arômes. Sachant que la truffe, composée de fibres et d’eau, est très peu calorique ! Les premières dégustations doivent être faites à partir de recettes simples, comme la brouillade ou les pâtes aux truffes. On peut ensuite l’apprécier dans des combinaisons plus élaborées et l’associer au foie gras, aux volailles, aux gibiers… En saison (du 15 novembre au 15 mars), de nombreux restaurants du Verdon proposent des plats à base de truffes mais, compte-tenu de la fragilité du produit et de l’irrégularité des récoltes, il vaut toujours mieux se renseigner en amont.

On peut garder une truffe une bonne semaine au frigo si elle a été brossée à sec. C’est souvent dans cet état qu’on l’achète avec, donc, encore quelques réduits terreux dessus. Une truffe est un extraordinaire réservoir de parfums, qui s’échappent très facilement, surtout quand elle a été complètement nettoyée sous un filet d’eau. Il ne faut donc pas laisser les truffes fraîches à l’air libre. Le mieux est de la conserver dans un récipient fermé avec une feuille ou deux de papier absorbant. On peut également remplir le récipient avec du riz, jusqu’à ce qu’il recouvre la truffe ; très parfumé, il sera parfait pour un risotto aux truffes.

Au-delà de 8 à 10 jours, on peut la congeler ou la stériliser. En cas de congélation, il faut éviter tout contact direct entre le froid et la truffe qui devra ensuite être travaillée tant qu’elle est encore ferme, c’est-à-dire avant décongélation totale. Quant à la stérilisation, qui reste le mode de conservation historique de la truffe, elle impose ensuite d’utiliser la truffe en une seule fois. Elle ne peut alors plus être râpée mais elle sera parfaite avec des pâtes, du riz, des pommes de terre ou des œufs. Il ne faut pas oublier d’utiliser le jus contenu dans la boite, toujours très riche en parfums.

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